Hélène Caussignac

Helene Caussignac

Le libre arbitre -

Le libre arbitre existe tant qu’il est nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on prenne conscience qu’il n’existe pas. Dit comme ça, bien sûr, ça interpelle, alors, revenons à la définition du mot.

Le libre arbitre est défini comme la faculté qu’aurait l'être humain de se déterminer librement et par lui seul, à agir et à penser. Ce serait la faculté de la volonté à opérer un choix en toute liberté.

Le libre arbitre, tel que défini ainsi est en réalité, totalement illusoire, tout simplement parce que, dans notre fonctionnement habituel, qu’on peut appeler le monde de l’égo, le libre-arbitre n’est qu’un concept mental qu’on croit seulement mettre en pratique. Parce que là où on croit décider, on obéit simplement aux programmes inconscients inscrits dans ce que nous appelons notre personnalité mais qui, en réalité, est simplement un ensemble de constructions mentales formées de réactions préprogrammées à ce qui est perçu comme les évènements qui se déroulent dans nos vies. Pour la grande majorité d’entre nous et pratiquement tout le temps, malgré l’impression de maitriser notre vie, on agit de manière inconsciente.

Prenons par exemple un couple le soir de la Saint Valentin. La femme est rentrée tôt du travail après avoir fait les courses et a préparé un repas surprise pour la fête des amoureux. Elle s’est préparée et a attendu son compagnon parée pour une soirée de fête. Quand il est arrivé, tard, fatigué et ayant oublié que ce jour était considéré comme une fête, le repas était trop cuit et sa femme en colère de l’avoir attendu longtemps. Il s’ensuit une dispute au cours de laquelle la femme reproche à son compagnon de ne jamais être là pour elle, de la considérer comme un objet acquis, et l’homme lui reproche de n’avoir aucune reconnaissance pour les efforts qu’il fait au travail pour qu’ils puissent vivre dans un somptueux appartement.

Et vous ? Qu’évoque la Saint Valentin pour vous ? Et qu’avez-vous pensé à l’énoncé de cet exemple ? Vous êtes-vous dit « ah mais non, c’est clair que la fille a raison, il pourrait au moins lui accorder un peu d’attention, on n’achète pas tout avec l’argent ! » ? Ou au contraire, avez-vous pensé « le pauvre, il se tue au travail pour lui assurer une vie confortable et la sécurité matérielle, c’est pourtant la meilleure preuve d’amour qu’il peut lui donner, quelle ingrate de ne pas le reconnaitre ! » ? Ou tout autre chose encore. Mais quoi que vous ayez pensé, pourquoi croyez-vous cela ? Parce que, dans votre base de données émotionnelle, quelque chose est entré en résonnance avec cette situation, et a activé une croyance qui elle-même a entrainé la réaction qui s’en est suivie, et ceci s’est fait de manière totalement inconsciente. Car ces deux points de vues sont valables mais aucun des deux n’est ni « celui qui est juste », ni la vérité. Et il en existe une multitude d’autres, tout aussi à la fois valables et faux.

L’intention première était de passer une soirée en amoureux et elle maintenant est totalement gâchée. Si on s’arrête aux faits objectifs, que s’est-il passé ? L’homme est rentré en retard du travail. C’est bien peu de chose en soi, et ce n’est pas ce fait qui a gâché la soirée, c’est l’interprétation que chacun fait de la situation à travers le filtre de son seul point de vue personnel et de la croyance que ce point de vue minuscule est la réalité. A partir de là découlent ce que l’on pense être nos choix.


Parce que tant que nous n’avons pas conscience que nous ne sommes pas un individu séparé mais un élément de la continuité d’un tout, et qu’il n’y a en réalité qu’un seul chemin que nous empruntons tous, il semble se produire à chaque instant la possibilité de choisir. Sur le chemin de ce que nous appelons nos vies, il semble sans arrêt se superposer des carrefours, dans lesquels nous semblons choisir. Choisir entre deux ou plusieurs choses, choisir où nous allons aller, ce que nous allons faire, choisir notre vie. Tout cela est illusion.

Le seul libre-arbitre qui existe tant qu’il est nécessaire c’est celui de choisir entre la vision étriquée et voilée de l’égo et celle, claire et fluide, de la conscience. En réalité, seule la vision de la conscience est réelle, mais pour pouvoir y accéder il faut, encore et encore, défaire les voiles de l’égo qui la masquent, et refaire, encore et encore, le choix de voir clairement plutôt que de céder à la tentation de l’illusion si addictive qui consiste à croire que le « petit moi » qui croit savoir a raison.

Quand ce choix a suffisamment été répété pour devenir la base de notre vision, on se rend compte qu’il n’y a toujours eu que cela, et que la notion de choix n’a jamais existé, car la notion de choix n’existe que quand il y a conflit et le conflit se situe toujours dans le monde de l’égo. Au niveau de la conscience, il n’y a que ce qui est, qui est un et sans aucun conflit car non jugé bon ou mauvais.

Si nous sortons de la vision étriquée de l’égo et ne laissons plus nos croyances limiter notre réalité, si nous laissons simplement les choses et les gens être ce qu’ils sont, sans leur attribuer automatiquement l’étiquette « bien », « mal », « j’aime », « je n’aime pas », nous prenons conscience que tout est parfait. Alors, nous suivons simplement le flux de ce qui est, nous sommes le flux de ce qui est, et l’action juste s’impose d’elle-même sans qu’il n’y ait à aucun moment besoin d’un choix.