Hélène Caussignac

Helene Caussignac

Une fois n'est pas coutume, parlons littérature - 18/10/2012

... avec la sortie hier en France du best seller international "50 nuances de Grey". Loin de moi l'idée de critiquer ce livre, je ne l'ai pas - encore - lu. Non, je réfléchis simplement à la manière dont ce phénomène est perçu par la critique.
Il parait que c'est un roman d'un nouveau genre, appelé "mommy porn" (littéralement porno pour mamans, un peu réducteur soit dit en passant, dommage pour celles qui n'ont pas d'enfant et qui auraient aimé le lire !), et la plupart des critiques le descendent en flèche.
Alors bien sûr, c'est à cause du SM, trop sulfureux pour la morale populaire. Mais pas uniquement, il me semble. Car ce sont les mêmes critiques qui tournent en dérision la littérature sentimentale (j'en ai d'ailleurs lu une de "50 nuances de Grey" qui le qualifiait de "mélange de Harlequin et d'érotique du dimanche soir").
En effet, le roman sentimental en général est le genre le moins respecté dans la littérature, pourtant c'est aussi le plus populaire. N'en déplaise aux bien pensants que toute scène d'amour offusque, le roman sentimental, érotique ou non, à défaut d'être reconnu par la critique, est très apprécié par son lectorat. Et très lu. Mais pourquoi est-il si décrié ?
Il y a probablement beaucoup de réponses possibles à cette interrogation. Personnellement, et au risque de choquer, je pense que ça dérange, parce que ça touche à l'intime. Les hommes, notamment, raillent souvent ce genre de lecture, et ne comprennent pas qu'elles plaisent aux femmes. Mais derrière la moquerie, n'y aurait-il pas une sorte de crainte ? "Pourquoi as-tu besoin de lire ces histoires à l'eau de rose alors que tu m'as, moi ?", semblent-ils penser sans toutefois oser le dire. Au risque de choquer encore, je dirais qu'ils ont peut-être conscience que cela se rapproche un peu de l'intérêt de beaucoup d'entre eux pour le porno (le vrai cette fois-ci !). Et si eux revendiquent souvent le droit à aimer ça, on dirait que ça les inquiète que les femmes aient leur propre source de rêve, qu'ils ne comprennent pas et qu'ils diabolisent donc.
Bienvenus au club, messieurs ! ;-) Les femmes aussi aiment rêver, même si leurs fantasmes ne ressemblent pas aux vôtres ! ;-) Les hommes aiment les images et les femmes les mots, mais l'objectif est le même : s'évader du quotidien, rêver. C'est peut-être ce qu'Erika Leonard James, surfant sur une vague non encore vraiment exploitée (celle de la romance érotique), a bien compris ?